Petite révolution dans le secteur de la construction : Acte I
Par ce décret il devient ainsi possible, pour les maîtres d’ouvrage publics et privés, de déroger à un ensemble de normes de construction, à condition de prouver qu’ils atteignent, par des moyens innovants, des résultats équivalents à ceux visés par lesdites normes.
C’est donc bien à une petite révolution auquel l’on assiste dans le secteur de la construction dans la mesure où ce texte ouvre à l’expérimentation qui aboutira, à terme, à la réécriture du Code de la construction et de l’habitat (CCH), pour généraliser le principe de remplacement de l’objectif de moyens par l’objectif de résultats.
L’ordonnance du 30 octobre dernier avait déjà assez largement cadré ce mécanisme. Le présent décret :
– affine la liste des règles de construction concernées,
– précise la notion de résultats équivalents,
– décrit la procédure à suivre par les maîtres d’ouvrage et désigne les organismes compétents pour attester de l’équivalence des résultats.
Règles de construction concernées
Dans son article 2, le décret rappelle la liste des neuf séries de règles de construction auxquelles il pourra être dérogé. Ainsi, sont concernés les domaines suivants :
– résistance au feu et de désenfumage des bâtiments d’habitation et des établissements recevant des travailleurs,
– aération des logements,
– accessibilité du cadre bâti,
– performance et caractéristiques énergétiques et environnementales,
– acoustique,
– construction à proximité de forêts,
– protection contre les insectes xylophages,
– prévention du risque sismique ou cyclonique,
– réemploi des matériaux.
Pour chacune d’elle, le décret précise les références des règles concernées et apporte certaines précisions ou restrictions.
Équivalence des résultats
Dans son article 4, le décret indique un mode d’emploi pour apprécier la notion de « résultat équivalent » que les moyens innovants choisis par le maître d’ouvrage devront permettre d’atteindre.
Si la règle de droit fixe d’ores et déjà des performances ou résultats à obtenir il convient alors de les respecter. En revanche si tel n’est pas le cas, le décret détermine, série de règles par série de règles, les objectifs généraux selon lesquels cette équivalence devra être vérifiée.
Ainsi, à titre d’exemple, en matière de performance énergétique et environnementale, il faut s’assurer que « les bâtiments ainsi que leurs installations de chauffage, de refroidissement, de production d’eau chaude sanitaire, d’éclairage et d’aération sont conçus et construits de manière à ce que la consommation d’énergie requise pour une utilisation normale reste la plus basse possible. Ils doivent assurer à leurs occupants des conditions de confort suffisantes et des conditions de santé à un niveau équivalent à celui que permettent d’atteindre les règles de droit commun. »
Procédures à suivre et organismes compétents
Les modalités d’instruction et de validation de la demande d’attestation d’effet équivalent sont détaillées dans les articles 7 et 8 du décret.
Le dossier de demande à adresser à l’organisme attestateur doit notamment comporter :
– des pièces relatives à la description du projet de construction (plan détaillé du site ; justification du caractère innovant de la solution envisagée ; listes des compétences et qualifications que devront détenir les constructeurs et des missions qui leur seront confiées),
– des descriptifs des conditions de réalisation de l’opération (règles de construction auxquelles il sera dérogé, en identifiant leurs objectifs et résultats ; présentation des solutions envisagées, en établissant qu’elles permettront d’atteindre les objectifs fixés et qu’elles ne porteront « pas atteinte au respect des autres dispositions applicables à l’opération, notamment celles relatives à la santé et à la sécurité » ; et un engagement sur l’honneur du maître d’ouvrage de souscrire une assurance dommages ouvrage,
– les pièces décrivant le processus de contrôle de la bonne mise en œuvre de la solution d’effet équivalent au cours de l’exécution des travaux et, le cas échéant, par les consignes d’exploitation et de maintenance, ainsi que par tout document complémentaire que le maître d’ouvrage jugera utile.
Enfin, l’article 6, détermine les organismes compétents pour délivrer les attestations « d’effet équivalent ».
Trois cas sont distingués :
– Pour la sécurité et la protection contre l’incendie où seuls peuvent intervenir les laboratoires agréés et organismes reconnus compétents par le ministère de l’Intérieur.
– Pour la lutte contre les insectes xylophages, le risque sismique ou la construction à proximité de forêts à Mayotte, sont compétents les contrôleurs techniques agréés dans le domaine concerné, le CSTB et le Cérema.
– Enfin, pour les cinq autres séries de règles, l’attestation pourra être établie par les contrôleurs techniques, le CSTB et le Cérema mais aussi par « les organismes détenteurs d’un certificat de qualification avec le plus haut niveau possible de compétence dans le domaine de la maîtrise d’œuvre et spécifiquement dans le domaine concerné par la solution d’effet équivalent, délivré, selon les exigences générales relatives aux organismes de qualification, par un organisme accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC) ou par tout autre organisme d’accréditation signataire de l’accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d’accréditation. »
Acte 2 : Réécriture du Code de la construction
Les expérimentations qui seront menées dans le cadre de cette première ordonnance serviront à nourrir une seconde, censée paraître avant février 2020. Il s’agira alors ni plus ni moins de la réécriture du Code de la construction et de l’habitation. A cette fin, les organismes attestateurs devront transmettre aux pouvoirs publics les données relatives aux opérations de construction sur lesquelles sera testé ce nouveau dispositif, afin de disposer d’un retour d’expérience. A suivre.
Lire l’ordonnance du 30 octobre 2018
Lire le décret :